&& Conteneurisation ? Ou mise en boîte ! &&
Par Jean-Louis Doucet
La mise en ligne par la CMA CGM du Christophe Colomb, 13880 EVP, premier d’une série de huit, ligne exploitée en partenariat avec MAERSK a réveillé en moi quelques souvenirs.
En 1970 La direction du personnel navigant avait un problème pyramidal, les jeunes commandants et les vieux seconds avaient le même âge. On pensa en envoyer quelques uns à terre.
C’est ainsi qu’après un petit stage à Marseille sur le terminal en création je fus envoyé à l’agence de Libreville. C’était encore un port de rade et les magasins étaient alors engorgés par des monceaux d’approvisionnements et de fournitures destinés aux IBOS qui venaient de perdre la guerre du Biafra. Sur rade une armada de plates et de chalands remplis des marchandises qui attendaient un écoulement qui se faisait au ralenti, mais que faire ?
Cela n’est pas l’objet de mon propos,
Il y avait quelques conteneurs, les petits neuf mètres cube bleus de Delmas et quelques boites rouges de la CMCR, qui faisaient l’objet de répétitives consignes de la part des Lignes d’Afrique, « La boucle des conteneurs » ! Monsieur Manière envoyait beaucoup de télex et en plus téléphonait pour me les lire à haute voix, je donnais donc consigne à la secrétaire de dire que j’étais sur rade et qu’il laisse son message.
Grâce à un de mes camarades du lycée de Mont de Marsan, le capitaine de gendarmerie Marsan, je pus étayer mon enquête et j’annonçais que soixante pour cent des boites servaient d’extensions de magasins à nos clients et que sur la route de Kango j’avais repéré un hameau de conteneurs frigo dont la couleur rouge commençait à être masquées par le vert et marron de lianes luxuriantes, des résidences secondaires bien isolées.
Le séjour au Gabon ne dura que le temps d’un embarquement, le plasmodium vivax s’était joint au falciparum pour me rappeler que j’appartenais à la forêt landaise de pins et non aux okoumés. La devise d’Anglet « lou pignada e le ma per m’ayda » (la pinède et la mer pour m’aider) est aussi la mienne.
J’embarquai successivement second sur Cypria, Tourville puis Ango
En 1972, chez Dubigeon, à Nantes les Chargeurs mettaient en chantier le Medariana, les premiers arrivés étaient Le Chef Mécanicien Raymond Blanco, son second Jean Claude
Da Silva et moi-même qui eus à ouvrir la liste de présence. Le Commandant Boudière (Mamadou) ouvrit le rôle par la suite. Ces trois amis sont très vivants dans mon souvenir.
Ayant construit notre maison d’Anglet en 1971, les papiers sont encore dans des cartons et je ne me souviens plus ni de la liste d’équipage ni des dimensions exactes du Navire sauf du nombre 780 EVP et nous avons fait le tour du monde plusieurs fois
Ensuite ce fut L’Andriotis ou le Capitaine Stogyanidis me ferma le bureau pont à clef car il s’était aperçu que son subrecargue lisait le grec, je tapais mes papiers dans son bureau avec sa machine, « une galère grecque quoi » puis Medariana, Surcouf et Medariana encore.
Je ne quittais pas les boites, Enfin le 28 octobre 1974 on me confia le commandement du Médorféa ou je remplaçais le Commandant Bucaille qui partait à la retraite « avec soulagement » et une aspiration profonde, « Une délivrance » m’avoua t il.
J’ai un bon souvenir de ce voyage sans histoires .l’embarquement suivant fut second capitaine sur Atlantica Ibéria, j’adore les anguilles mais là ce fut une couleuvre et on me débarqua malade à Boston Ce fut mon ami le Cdt Roussel qui envoya mes affaires à la maison avec ses vœux de rétablissement. Il fut remplacé par André Lacoste, puis ce fut moi qui repris mon commandement. L’Atlantica Iberia était de 1050 EVP autant qu’il me souvienne.
En septembre 1975 je prenais le Medelena toujours 780 EVP et après un mois presque d’attente à Saint Jean du Nouveau Brunswick nous sommes devenus le Medelena Maersk
Et j’ai débarqué à Charleston et jusqu’en 1978 ce furent les MED ou L’Atlantica et beaucoup de traversées aller retour du Pacifique Nord sous affrètement Sea Train .
A la fin de 1977 le Medariana fut transformé on modifia les glissières à Kobe pour pouvoir prendre le maximum de grands conteneurs soit 350 et le reste en vingt pieds dans les formes et là nous avons été fort bien reçu par nos amis japonais et au cours d’un repas les japonais ont entonné l’hymne de l’entreprise et notre ingénieur des travaux Monsieur Debaque me dit « comment aux Chargeurs il n’y a pas un hymne, on va perdre la face ! »
Je lui fis remarquer qu’à la Compagnie Fabre il n’y en avait pas non plus mais que j’allais essayer quelque chose et après un petit aparté avec Da Silva et notre état major qui m’ont assuré pouvoir me suivre sur cette voie nous avons chanté « De Nantes à Montaigu, la digue la digue etc. » et après cela avec un aimable sourire un des Japonais que je voyais pour la première fois, m’a demandé ,en français et sans accent si c’était vraiment l’hymne de la société et ayant compris mon problème il m’a assuré qu’il était le seul francophone de l’équipe et qu’il garderait le secret. Ce fut donc une bonne soirée !
En 1979, à Gènes, commandant le Joliette qui était vendu à Bottacchi, capitaine et armateur
Argentin qui m’a tutoyé comme on le fait en Espagne quand on a le même âge je l’ai assuré qu’il pouvait enlever les lests de béton des entreponts qui ne servaient qu’au confort d’un navire revenant lège des Antilles mais qu’en long ou en large il ne mettrait guère plus de 250 EVP sur ce navire Il fut content car il craignait le pire.
En 1981 je crois, après avoir commandé le Chevalier Paul puis le Nara j’ai conduit le Chevalier Roze aux chantiers Hyunday de Busan ou le fier vaisseau fut jumboïsé, il passait de 1800 EVP à presque 2800 et de 180 mètres à 254 à peu près, le chef mécanicien était Quiniou ,je me suis permis de ne pas pousser le « crash stop » au maximum aux essais car le navire était prévu en horaire et une salade d’ailette eut été catastrophique, mais il eut lieu en entrant à Kaohsiung le pilote ignorant ma demande de prendre un remorqueur pour faire le virage d’entrée et ayant servi quelques jours plus tôt l’autre Chevalier non jumboïsé, nous eûmes la surprise de voir surgir un caboteur chinois sur tribord et de ne pouvoir amorcer l’abattée (La bordée du gaillard avait été briefée en prévision) mouiller les deux ancres étalées à un maillon et demi et en arrière toute cette fois sans réticence et nous nous sommes arrêtés à cinq mètres d’un navire à quai , les remorqueurs sont venus et le pilote oublia son chapeau à bord, je l’ai toujours à la maison.
Avec 13880 EVP on ne rentre pas dans le port de Kaohsiung que j’ai connu et on saura très vite combien de boites sortiront des boucles prévues et combien de feeders pour dispacher ?
Les Coréens ne nous ont pas chanté leur hymne d’entreprise !
A.P.M.M.P.
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